26 Octobre 2014
Bonjour mes petits chatons,
Aujourd'hui, je me pose devant un miroir. Que de chemins parcourus.
Que de sillons traversés. Que de chutes et de relevés.
Avant de devenir maman, j'ai dû attendre.
Comme beaucoup de couples, avec Wow Dad, nous nous sommes décidés un jour à nous lancer dans la folle aventure de devenir parents. Naïvement, à moins de 30 ans alors pour ma part, je n'imaginais pas rencontrer de difficultés.
On décide qu'à compter de novembre, j'arrête la pilule.
Et les mois commencent à défiler. Les premiers, tu jettes un coup d’œil rapide à ton agenda pour vérifier la date prévisible de tes règles, qui arrivent -bien entendu- ces vilaines. Et puis des douleurs sporadiques. Mais toujours pas de bonnes nouvelles.
Ma qualité première n'a jamais été la patience. J'ai dû l'apprendre, à la dure.
Les mois s'égrènent, j'ai toujours mal et lorsque je vais consulter, ma gynécologue se permet de me dire que je suis impatiente et crois que je fais un caprice prenant prétexte de mes supposées douleurs pour faire des tests.
Sauf que voilà: je suis certes d'un naturel speed et donc impatient, mais en revanche, je ne suis pas franchement chochotte et supporte très bien la douleur. Donc lorsque je dis que j'ai mal, c'est que VRAIMENT, J'AI MAL....
A contre-cœur, elle finit pas céder et nous fait faire des tests de fertilité. Elle ne me fera aucun retour, ne répondra pas aux messages laissés à sa secrétaire. Bref, professionnelle.
Et les mois continuent d'avancer, les saisons changent.
Mes cycles deviennent anarchiques. On croit à la bonne surprise. Je fais faire une prise de sang dans ce laboratoire, près de mon travail. Les résultats sont négatifs. A chaque fois.
L'infirmière qui pratique les prises de sang me regarde en coin. Puis, un jour, elle se lance : "vous devriez prendre un autre avis médical....je n'ai pas le droit de vous le recommander, mais de femme à femme, à votre âge, cela devrait fonctionner. Allez prendre un nouvel avis."
J'avais tellement été vexée comme un poux par ma gynécologue que je m'étais auto-interdite toute autre possibilité d'avis, me disant qu'elle devait avoir raison: elle me suivait depuis mes 17 ans, elle me connaissait. Si elle me dit que je fais un caprice, je ravale ma fierté et me remets en question. Sauf que plusieurs mois se sont encore écoulés. Il est temps de suivre la recommandation de cette infirmière qui m'a sans doute sauvé la vie...
Pour décompresser, je "reçois" des séances de shiatzu. J'échange avec la praticienne qui me confirme que l'infirmière a raison. Elle me donne des numéros de gynécologues éclairées sur les problèmes de fertilité, étant passée par "là", elle aussi. Le mot, ce mot, est dit.
Oui, quand on ne parvient pas à avoir un bébé naturellement, on entre dans une nouvelle tribu silencieuse, discrète, fermée. Nous sommes des milliers. Nous nous croisons sans nous reconnaître. Nous sommes des nuées. Une multitude singulière qui n'est pas autre chose que l'addition de femmes qui se sentent isolées, en dépit de leur nombre qui ne finit pas de grandir dans l'ombre de nos infertilités jalousement, secrètement muettes et infernales... On s'assèche, on se durcit, on ferme les dents et serre les mâchoires de déception en dépit.
Les résultats non commentés ne sont pas bons. Ma désormais nouvelle gynécologue m'oriente sur une spécialiste de la Procréation Médicalement Assistée. De nouveaux examens pour nous deux.
Une douleur un peu plus vive...la perte d'un bouchon muqueux...Je suis opérée un peu plus vite que prévu. En salle de réveil, je reviens à moi en sursaut, en larmes. Quelque chose s'est passée de travers. Ma trompe droite a explosé, irréparable. Un imprévu. Et là, j'apprends que j'ai perdu ma trompe, en raison d'une endométriose non traitée depuis plusieurs mois. Une GEI (Grossesse Extra Utérine) en prime, qui a failli me coûter encore plus, si je n'avais pas été opérée le lendemain de mon anniversaire d'alors. Le choc.
Je vais pleurer un mois quasiment chaque jour pour faire le deuil de cette trompe. Je vais continuer à avoir mal à son emplacement vide. Je lâche prise sans m'en rendre compte.
Et le miracle fut ! Un bébé décide de se nicher dans le creux de ce corps que je hais avec force et véhémence, ce corps qui m'a trahi. Le verre à moitié vide se remplit enfin !
On en pleure de joie. On l'annonce à nos "très" proches. Les réactions sont mitigées dans notre entourage, à l'approche de notre mariage. Pas un accueil comme on souhaite une bienvenue. Certains diront dans mon dos qu'il est inconvenant de se marier "engrossée"... J'enrage mais décide de profiter de notre bonheur tout neuf ! Je change la taille de ma robe de mariée et commande une taille 42 car je devrais être à 6 mois le jour J. Je suis heureuse enfin, je me sens tellement bien ! Je revis !!
Sauf que le destin fit un autre choix.
Deux semaines avant l'échographie du 3ème mois, son petit cœur bat la chamade, tout va bien.
Le 20 juin, le cœur de notre petit bébé s'est éteint dans un bruit assourdissant. On croit que le son a été débranché sur l'appareil. Hélas, de petites ailes avaient poussé et emmené notre miracle naturellement venu, naturellement reparti. Nouvelle intervention pour ôter ces quelques grammes de possible.
Encore ce corps qui me trahit.
Je meurs encore un peu ce jour-là. J'ai une touffe de cheveux blancs qui émerge sans prévenir. J'ai grillé une nouvelle vie de chat. Je m'éteins mais je ne suis pas seule, alors j'avance et relève la tête. Je vais devoir travailler mon sourire, notre mariage approche.
Nous avons un merveilleux mariage. Je suis heureuse, incomplète mais heureuse.
Le parcours PMA débute de nouveau, les traitements, les paperasses administratives... J'ai appris à me faire des auto-injections avec des stylos similaires à ceux des personnes diabétiques.
Puis, je dois apprendre à me faire des injections d'hormones avec des seringues classiques. Je grossis avec les hormones. J'ai les nerfs en pelote. Aux nouvelles joies succèdent de nouvelles déceptions.
Et puis, un jour, j'en ai marre. Je rencontre une femme qui m'écoute et me bouscule avec ses mots bienveillants. Elle s'appelle Claire. Son prénom n'est-il pas étonnant ? Donner la lumière à ceux qui se sont un peu éteints, un peu perdus ? Je dois arrêter de tout vouloir contrôler. Je commence mon écriture de mantras positifs, je les énonce, je les prononce dans une ferveur mystique.
Je me surprends à me les répéter avant de m'endormir, au réveil, sous la douche. Je me conditionne, ou plutôt, me reconditionne.
Puis le jour de la FIV approche. On me rabat les oreilles que çà ne marche jamais la 1ère fois, que je ne dois rien attendre, que ce n'est pas agréable mais obligatoire pour que, lors des prochaines FIV, le "peut-être" devienne le "possible".
Je me dispute avec la spécialiste avec son attitude négative qui me pollue et ses mots cassants. J'ai l'impression d'être un paillasson confortable pour ses pieds et çà m'ébouriffe de rage. Je sors les griffes et les crocs. Je ne suis plus une victime. Je suis tout court. Elle réalise que certaines limites ont été franchies. Je lui demande si elle est prête à continuer à me suivre ou si je dois chercher un confrère. On fait amende honorable toutes les deux, moi pour mon débordement lié aux hormones dont je suis gavée pour activer la pousse de ces follicules décidément capricieux.
Finalement, les follicules sont beaux. On continue.
Le mercredi approche pour la ponction. Je me prépare à peine nerveuse, presque sereine. J'y vais sans attente, sans pression. Je me fais jolie, mets ma petite robe bleue marine avec des petites ancres blanches, mes escarpins bleus assortis, comme si j'allais rencontrer mes amies pour partager un bon moment entre filles.
Dans mon petit box de la clinique, je me change. J'écoute la musique sur laquelle nous avons eu notre première danse, "Chasing cars" de Snow Patrol. Je chante accroupie au sol tout contre le placard. Puis je m'assoie sur ce lit nimbé de la lumière du soleil qui m'inonde jusqu'à me faire pleurer les yeux...Ce sera une bonne journée, voilà. Je veux en prendre le bon côté.
Cette ponction sera le premier pas vers la rencontre de nos futurs bébés. Je n'ai jamais parlé d'un bébé, mais de nos bébés. Ne me demandez pas pourquoi. Une prémonition, que sais-je.
Les aides soignantes me trouvent lumineuse et étonnamment joyeuse. L'une d'elle me dit que ce sera un bon jour pour moi !
Je vais travailler le lendemain et ne montre rien. Et puis je hurle de joie lorsque la laborantine m'annonce que 8 beaux follicules ont pu être prélevés et qu'ils se développent très bien! La FIV aura lieu le samedi matin. Je raconte un bobard incroyable pour expliquer mon cri de joie....Plus c'est improbable, plus çà passe, dit-on? Je peux vous assurer que ce mensonge était énorme ! Ma collègue dans la confidence se mordait les lèvres pour ne pas éclater de rire.
Le samedi matin, je décide de remettre la même tenue que le mercredi. Wow Dad est près de moi pendant l'intervention, il me serre la main. La laborantine apporte les deux embryons, elle prononce correctement mon nom de famille. Bingo, elle est catalane. Je lis un signe, je sens la présence de mon Père et de ceux partis trop tôt, près de nous.
Elle nous redemande si nous maintenons notre choix d'en mettre deux. Nous répondons en cœur que de l'amour, nous avons pour deux !
On rentre à la maison, Wow Dad au volant, moi les quatre fers en l'air. Oui, car tout est dans "Friends": Wow Dad me dit de faire comme Phoebe. Je m'exécute amusée. nous traversons les beaux quartiers sous l'oeil hagard des passants.
Pareil à la maison, je me mets dans le transat sur la terrasse avec une feuille people pour me détendre, les pieds en l'air, la tête en bas.
Et je prie. Je répète mes mantras. Wow Dad aussi.
Les jours passent et je me sens différente, un petit pincement caractéristique dans le bas ventre.
On part en vacances. Je suis dans l'incapacité de manger de la viande, quelle qu'elle soit. Mon ventre a gonflé. Cela est presque imperceptible. Mais je le vois, le sens. Wow Dad aussi. On refuse de s'attarder à une croyance que l'on sait fuyante. On attend le retour en France et on dépasse les 14 jours pour faire la prise de sang.
On repousse encore. Je ressens mon corps différemment.
Je fais la prise de sang. Nous attendons, fébriles, le serveur de résultats sur internet...
Les résultats apparaissent enfin ! Je n'ose cliquer sur le fichier, je tremble. Je l'ouvre finalement, bien sûr !
Le taux de BetaHCG est énorme... On pleure de joie, on se blottit l'un contre l'autre mais on reste prudent. Nouveau test 48h après. Le taux a doublé !!
Le 6 août, nous allons voir ma nouvelle gynécologue pour l'échographie. Elle commence l'examen et s'arrête net: "il y a deux embryons !!!!"
Nous sommes fous de joie, fous d'amour pour ces deux petits êtres, tellement attendus, tellement espérés...On est prudent avec notre bonheur ! Les mois défilent plein de chaleur et d'énergie positive, bien différents de ceux d'avant, froids et sombres.
Mon corps abrite deux peut-êtres, deux possibles, deux lumières qui deviendront nos deux Lucioles.
Voici notre histoire.
L'histoire d'une famille issue d'une tribu sans nom, répondant sous la bannière d'un trigramme qui sonne comme un gros maux mot. PMA. Comme une vague promesse.
Un trigramme qui te confronte à toi-même, met à l'épreuve ton corps et ton couple.
Un trigramme qui susurre tout doucement que
"Impossible" est aussi "I'm possible".