5 Mai 2015
Oui, un crustacé un peu trop enamouré de ma famille... Il y a un an, le 5 mai 2014, Grand-WowMa se faisait opérer de son cancer du sein.
Dans son billet emplit de mesure et de silence de lundi, on peut sentir la lourdeur de chaque lettre posée.
Il y a un an, j'apprenais que ma mère s'était faite mordre à son tour, pincée en son sein.
Comment entendre l'indicible? Comment l'appréhender, partagée entre ma joie immense et mon épuisement post-partum mais aussi mon histoire?
Car un écho pas si lointain continue de tordre mes tympans et mes fibres.
Le 30 mai 2004, vers 07h00 du matin, mon Père s'est éteint, seul dans sa chambre du service oncologique, autrement dit dans l'unité de traitement et surveillance des patients atteints de cancer...
Chaque jour ou presque, j'allais Le retrouver pour être présente lors de son dîner, pour faire le singe, Lui changer les idées, lui dire que je L'aime car je sens que son départ peut se produire à tout instant. Et je tiens à ce qu'Il sache, dans chacune de ses cellules combien je L'aime.
Lorsqu'Il a renoncé, Il faisait mine de vouloir s'endormir en me serrant la main. Je n'ai cependant jamais été dupe. Je Lui serrai sa main immense, autrefois puissante, mes yeux plein de larmes retenues. Il souhaitait juste glisser vers un sommeil sans fin, accompagné. J'acceptais ce rôle de passeur pas si inconnu. Je Lui tenais sa main, comme un filet suspendu que le Temps viendrait rompre dans un battement de cils, faisant sonner le dernier écho de nos cœurs liés pour l'Éternité.
Je m'interdisais de craquer, m'interdisais de ne verser ne serait-ce qu'un embrun. Je me faisais Loi de tenir debout, d'être droite, de Le rendre fier, de Le rassurer et de me montrer forte face à cette saleté de maladie invasive.
Me tenir droite, lui parler de choses uniquement positives.
Je ne m'effondrais qu'une fois assise dans le RER, comme une perdue. Point de pudeur. Point de retenue. Le regard des autres ne m'importait pas. J'avais besoin de craquer, d'une soupape, d'évacuer.
Finalement, Il ne s'est pas réveillé, ce dimanche-là. Comme la flamme d'un feu qui décroît, de combattre son cœur s'est fatigué, son corps s'est détendu. Il est parti, dans un soupir muet et intime que nul n'a pu recueillir.
Je n'étais pas là pour tenir sa main de géant.
Ce dimanche 30 mai 2004, le ciel était d'un bleu infini, limpide, nimbé d'un soleil éblouissant.
Je n'oublierai jamais ce jour.
Je n'oublierai jamais ce repas du 1er mai 2014, où -entre le fromage et le dessert- Grand-WowMa jeta sans prévenir que le 5 mai, elle se ferait opérer de son cancer du sein.
J'ai reçu l'annonce comme une explosion. Ma tête bourdonnait. Je n'entendais plus rien d'autre que l'écho de ses mots qui m'assourdissait.
Je ne l'avais pas envisagé, je ne l'avais pas pressenti. Aucun signe, aucune alerte.
Comme une bulle qui éclate, un acouphène persistant.
Comment soutenir Grand-WowMa alors que je suis à 2H-2H30 d'Elle ? Comment faire? Que faire?
Je me suis sentie nue. Démunie. Écartée, de côté.
J'étais abasourdie... Masquant ma peur fébrile, mon côté cartésien assomme Grand-WowMa de questions pour comprendre, pour mettre des rouages à ce cataclysme. Quand a-t-elle su ? Qui et quand et comment est-elle suivie?
Et surtout...POURQUOI ne m'a-t-elle pas informée immédiatement ?
Tout simplement, pour mieux te protéger mon enfant.
Comme une maman qui tient à préserver sa fille, qui restera toujours fille avant d'être à son tour maman.
Si je comprends et je respecte, je suis furieuse contre cette saleté de maladie.
Je me sens trahie. Encore. J'ai peur d'être abandonnée dans l'une des périodes les plus importantes de ma vie. J'ai tellement de peur.
Grand-Wowma dit que je suis courageuse.
Je ne le suis pas. Je serre les dents et prends les armes. Je suis faite ainsi. Je préfère tomber au combat que d'attendre la balle. Je préfère tomber sur la dépouille de l'ennemi que de le laisser avancer sans rien faire.
Je me suis résolue à me tenir à ses côtés. Prête à me tenir droite, si l'Histoire s'engage sur un ancien sillon déjà tracé.
Aujourd'hui, Grand-WowMa va bien et commence à savourer cette renaissance depuis le 7 janvier 2015, où la mammographie de contrôle a écarté Ses craintes et les nôtres.
Once upon a time, le crabe... On se retrouvera. On se battra. Je perdrai peut-être. Mais je me battrai. Je serrerai les dents, les yeux injectés d'une détermination absolue. Je me battrai, et après...Seule l'Histoire décidera.